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Dans mon baladeur #1 – février/mars 2025

En février m’est venue l’idée de résilier mon abonnement à Apple Music. « Pourquoi ? » s’étonneront certains, après m’avoir entendu vanter les mérites de la plateforme durant des années. L’objectif n’est pas d’aller trouver mieux chez la concurrence (encore faut-il que cela existe) mais de me libérer du modèle économique du streaming. Après tout, pourquoi dépenser 10,99€ par mois pour ne découvrir, en moyenne, que cinq albums par mois ? Pourquoi payer pour réécouter des albums que je possédais déjà, ou prévoyais de posséder ?

Cela dit, ce changement d’habitudes entraîne quelques contraintes : d’abord celle de devoir moi-même récolter mes fichiers musicaux, puis celle de ne plus recevoir les fameux récapitulatifs mensuels et annuels de mes écoutes. Mais après tout, si c’est à moi de façonner ma propre bibliothèque musicale, pourquoi ne pas créer mes propres bilans d’écoute ?

C’est dans cette optique que je vous propose cette série d’articles musicaux, que je baptise Dans mon baladeur en référence à la liste SensCritique de mon cher éclaireur temet-nosce. À chaque article, je vous partagerai mes albums préférés des deux derniers mois – qu’il s’agisse de découvertes ou de réécoutes.

Au programme de cet épisode N°1 :

  1. Réécoute : King Crimson, l’heure des retrouvailles
  2. Découverte : Le virage pop-rock des Cure
  3. Réécoute : La révélation To Pimp A Butterfly
  4. Coup de cœur : Sigur Rós, musique du paradis

Réécoute

King Crimson, l’heure des retrouvailles

In The Court Of The Crimson King

King Crimson

Genre : Rock progressif
Durée : 44min
Sortie : 1969

En explorant la musique à la recherche de nouvelles expériences sonores, on finit souvent par s’éloigner de ses anciens coups de cœur. Si ma tendance à beaucoup réécouter mes albums préférés m’aide à ne pas les oublier, l’un deux est malgré tout passé entre les mailles du filet : le pionnier du rock progressif, In The Court Of The Crimson King.

Réécouter cet album pour la première fois depuis au moins deux ans m’a donné la sensation de revenir à la maison : je me souvenais de tout, mais j’avais oublié à quel point je m’y plaisais.

J’ai oublié ce mariage si harmonieux, si évident et pourtant si étrange entre rock et sonorités médiévales (flûte, chœurs). Oublié à quel point le jeu de batterie de Michael Giles me sidérait. Oublié l’état de galvanisation que me procurait Epitaph et la façon dont Greg Lake scande « Yes I fear tomorrow, I’ll be crying ». Oublié comment la douce ballade de Moonchild savait me bercer, et comment sa phase instrumentale improvisée savait m’endormir, puis me faire rêver. Oublié la majestuosité que dégageait The Court Of The Crimson King à chaque écoute…

Ce n’est sans doute pas la dernière fois que je perdrai de vue cet album. Mais une chose est sûre : inévitablement, j’y reviendrai.

Découverte

Le virage pop/rock des Cure

Kiss Me Kiss Me
Kiss Me

The Cure

Genre : Rock new wave, pop
Durée : 1h 14min
Sortie : 1987

Sept ans après avoir exorcisé leurs douleurs dans leur « trilogie glacée » (Seventeen Seconds, Faith et Pornography, sortis en l’espace d’un peu plus de deux ans), les Cure s’orientent vers un registre pop. Leur rock tourmenté est encore présent (The Kiss) mais il côtoie ici des morceaux à la légèreté assumée (Catch). Un équilibre que le groupe ne parvient pas toujours à maîtriser, proposant des gimmicks ringards dans Fight, Why Can’t I Be You ou Torture – dont la rythmique a toutefois le mérite de préfigurer la superbe chanson Disintegration. Heureusement, les réussis If Only We Could Sleep, The Snakepit, All I Want et A Thousand Hours nous empêchent d’affirmer que le groupe s’est définitivement enfermé dans un registre qui n’est pas le sien.

Réécoute

La révélation To Pimp A Butterfly

To Pimp A Butterfly

Kendrick Lamar

Genre : Hip-Hop/Rap US
Durée : 1h 19min
Sortie : 2015

Voilà maintenant huit mois que j’ai découvert le cultissime To Pimp A Butterfly, mais ce n’est que récemment que j’ai su l’apprécier à sa juste valeur. Il faut dire qu’à la première écoute, cet album est particulièrement difficile à digérer de par sa durée de plus d’une heure (!), la densité de ses textes et la richesse de sa production, à la croisée des genres afro-américains (hip-hop, jazz, funk, soul…) Rien que le morceau d’ouverture, Wesley’s Theory, nous en met plein la vue grâce au flow fédérateur de Kendrick et au fabuleux jeu de basse improvisé de Thundercat.

L’album a beau être long, aucun titre ne se ressemble : on navigue entre trip introspectif (King Kunta), free-jazz (For Free?), discours intense de rancœur sur la condition noire (The Blacker The Berry) et légèreté et optimisme (i) avant de poétiquement conclure sur un échange avec Tupac, où la musique traverse le temps (Mortal Man).

En seize morceaux, Kendrick et ses invités nous proposent un véritable voyage à travers la culture afro-américaine. Un projet ambitieux, presque casse-gueule… et pourtant, chaque son, chaque parole semblent s’accorder avec une telle évidence, une telle justesse. C’est aussi à ça que l’on reconnaît les grands : cette capacité de donner vie à des œuvres qui nous paraissent essentielles, mais que l’on n’oserait ni ne pourrait imaginer.

Coup de cœur

Sigur Rós, musique du paradis

À la table de mes artistes préférés, Sigur Rós s’assoit facilement aux côtés de Massive Attack, The Cure, The Beatles, Ryo Fukui et même Radiohead et Pink Floyd. C’est dire le coup de cœur ! Or, le paysage musical dessiné par les islandais me paraît encore plus singulier : c’est simple, je n’avais rien entendu de tel.

Quand la mélodie de Vaka, morceau d’ouverture de l’album ( ), est parvenue à mes oreilles, j’ai senti ma vision de la musique s’étendre. Comme si, à mesure qu’ils jouaient, ces quatre islandais repoussaient les frontières de la musique et lui créaient une forme nouvelle. Une forme aussi belle qu’indescriptible, à la portée émotionnelle inégalable…

Écouter Sigur Rós, c’est sentir la musique s’emparer de notre âme et l’envoler jusqu’au septième ciel. C’est se sentir planer entre les notes, libre comme l’air.

Ágætis byrjun

Sigur Rós

Genre : Post-Rock
Durée : 1h 12min
Sortie : 1999

Valtari

Sigur Rós

Genre : Post-Rock, Ambient
Durée : 55min
Sortie : 2012

Ce son à la grâce céleste, les islandais ont su le renouveler tout au long de leur carrière. Entre Ágætis byrjun et Valtari, c’est le grand écart : l’un brille par sa richesse sonore en parfait équilibre entre rock, touches de jazz et envolées d’orchestres à cordes tandis que l’autre s’avère plutôt lent, sobre, apaisant et contemplatif. Dans les deux cas, la mission du groupe reste la même : nous faire voyager et rêver.

Si ces deux albums ont été une révélation pour moi, il y en a un qui réussit à me toucher bien plus profondément : le fameux album des parenthèses, sorti en 2002.

( )

Sigur Rós

Genre : Post-Rock
Durée : 1h 12min
Sortie : 2002

À mes yeux, cet album est bien plus que de la musique : c’est un voyage aux destinations infinies. À chaque écoute, je sais avec certitude que peu importe mon humeur, mon état d’esprit et mon imagination, ces huit morceaux me transporteront. Je traverserai la joie et la mélancolie, l’émerveillement et le désespoir ; le réconfort et la solitude, la paix et la violence.

Vaka me montrera les portes du paradis s’ouvrir, Fyrsta me glacera de sa mélancolie et Samskeyti me submergera dans son envoûtante mélodie. Njósnavélin m’apaisera tel le calme avant la tempête, tandis qu’Álafoss et E-Bow instilleront le chaos, ne laissant derrière eux que l’aura funèbre de Dauðalagið. Enfin viendra le climax de Popplagið, jaillissant violemment tel le magma des volcans, devant lequel je me sentirai infiniment petit et vulnérable.

Avec ces huit morceaux, Sigur Rós nous permet de tout voir, de tout ressentir. De tout imaginer.

Les grandes œuvres ont en commun de réussir à transpercer l’enveloppe charnelle de l’Homme pour toucher son âme, mais ( ) va au-delà : il l’hydrate d’une eau pure née de la source intarissable que pourrait représenter la pochette.

Parmi les quelques centaines d’albums que j’ai pu écouter, seul celui-ci a accompli la prouesse à laquelle l’Art semble pourtant destiné : ouvrir une parenthèse infinie pouvant tout contenir.


Je vous recommande aussi…

Hvarf
Sigur Rós

Premier disque du double-album Hvarf-Heim. Les trois premiers morceaux sont des raretés jamais sorties, les deux derniers des réorchestrations de titres existants.
Heim
Sigur Rós

Second disque du double-album Hvarf-Heim. Contient six versions live acoustique de certains des plus beaux titres du groupe. Une belle porte d’entrée pour découvrir Sigur Rós dans ses premières années.
Modern Vampires Of The City
Vampire Weekend

Ne vous fiez pas à cette pochette en noir et blanc, elle cache en vérité une musique pop, solaire et parfois doucement chaotique. Obvious Bicycle, Step et Ya Hey sont particulièrement beaux.
Keystone 3
Art Blakey And The Jazz Messengers

Les réécoutes le confirmeront sans aucun doute : c’est un de mes nouveaux albums favoris du jazz.
Speaking In Tongues
Talking Heads

Des chansons funky et colorées qui rappellent les années 80 de David Bowie (sans toutefois prétendre à les égaler ou imiter).


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Commentaires

2 réponses à “Dans mon baladeur #1 – février/mars 2025”

  1. Avatar de Ellay
    Ellay

    Tu m’as donné envie d’écouter King Crimson avec le délire médiéval

    1. Avatar de Rémy Gerl

      J’en suis ravi !

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